Instruments de musique traditionnelle en Pays d’Oc
Cette exposition présente les instruments traditionnels et anciens de la collection que le COMDT a constituée ces quarante dernières années. Elle comprend des exemplaires datant du XVIIIe et du XIXe siècle, comme des vielles à roue et des accordéons anciens, mais aussi et surtout des instruments fabriqués par l’atelier de facture instrumentale. Ils ont été copiés d’après des spécimens anciens ou reconstitués à partir de sources documentaires diverses (témoignages, iconographie, etc.). Aujourd’hui, la collection est riche de soixante-sept instruments.
Les recherches sur les traditions instrumentales menées par les Ballets Occitans dans les années 1960, puis par le Conservatoire Occitan à partir des années 1970, ont permis la constitution de cette collection puis la reproduction des instruments. Cela a permis d’étudier ceux devenus trop fragiles ou trop abîmés et a contribué au renouveau d’instruments dont la pratique avait été interrompue, comme ce fut le cas pour la boha, cornemuse des landes de Gascogne, ou pour l’aboès, hautbois du Couserans. Ce travail de facture instrumentale, parallèlement à l’approfondissement de la recherche, à sa divulgation et à l’enseignement de ces instruments, a permis qu’ils soient aujourd’hui joués par des musiciens de plus en plus nombreux.
Hautbois dit « baroque » (lutherie COMDT)
Les différences organologiques sont assez peu importantes entre les hautbois traditionnels qui ont été retrouvés ces dernières décennies en Pays d’Oc et le hautbois « baroque », si ce n’est, chez ce dernier, une perce plus fine qui lui assure un son plus doux (plus « bas »), deux trous de jeu sur la dominante et la sous-dominante permettant de faire des demi-tons, et des clés de jeu symétriques car cet instrument était utilisable par les droitiers comme par les gauchers.
Hautbois retrouvé à Vailhourles (Aveyron) (lutherie COMDT)
Ce petit hautbois est en deux parties seulement, l’une est le corps de l’instrument (contenant les trous de jeu), l’autre le pavillon (percé de trous dits « de clarté » et « d’accord » mais qui n’ont pas de fonction mélodique).
Hautbois graile retrouvé à Ferrières (Tarn) (lutherie COMDT)
Hautbois clarin, Bigorre (lutherie COMDT)
Les collectes réalisées dans les Hautes-Pyrénées (Bigorre) notamment par Marcel Gastellu-Etchegorry, présentent ce petit hautbois en une seule partie comme un instrument essentiellement pastoral.
Hautbois aboès, Couserans (Pyrénées gasconnes) (lutherie COMDT)
Ce hautbois est la reconstitution de celui du musicien, Jean Cazes, surnommé « Eth Viu » (1899-vers 1975).
Hautbois aboès, Couserans (Pyrénées gasconnes) (lutherie COMDT).
Reconstitution à partir des recherches de Charles Alexandre.
Hautbois aubòi, Bas-Languedoc (lutherie COMDT)
Hautbois de Sète
Ce hautbois est une version modernisée du précédent (hautbois n°7), créée quelques années avant la seconde guerre. Il est utilisé notamment pour accompagner les joutes nautiques.
Hautbois amboèsa, Bas-Quercy, retrouvé à Touffailles (Tarn-et-Garonne) (lutherie du COMDT)
Hautbois d’écorce (lutherie COMDT)
Hautbois graile, Haut-Languedoc (lutherie COMDT)
Ce hautbois, joué dans les Monts de Lacaune, est la reproduction de celui d’un grailaire surnommé Lo Braçol. On remarquera le renflement à l’extrémité inférieure de la partie centrale, qui n’est pas sans évoquer les « fontanelles » ou « lanternes » si caractéristiques de la lutherie Renaissance et baroque et qui étaient alors destinées à dissimuler une clé de jeu.
Hautbois
Ce hautbois se retrouve à l’identique dans un musée de Marseille, tout comme en Couserans où il était joué par Pigalha. On ne sait rien de sa provenance réelle. Mais à l’évidence, il a connu un large cadre de pratique et une importante diffusion.
Clarinette en buis à 13 clés
Ce modèle de clarinette, en buis et à 13 clés (Si bémol), était le modèle le plus utilisé par les ménétriers au XIXe siècle.
Clarinette caramera, Landes de Gascogne (lutherie COMDT)
Cette clarinette avec pavillon de corne est un instrument très largement méditerranéen. Telle quelle, elle est landaise et est attestée par le folkloriste Félix Arnaudin.
Clarinette tatarota à anche simple hétéroglotte (lutherie Jean-Pierre Laffite)
Ce type d’instrument n’a pas de localisation particulière.
Double clarinette sonarel (lutherie Jean-Pierre Laffite)
Il n’est pas certain que les doubles clarinettes à anches simples idioglottes aient réellement été jouées en Pays d’Oc. Ce type de reconstitution, qui s’inscrit dans ce que l’on a coutume aujourd’hui de qualifier d’ « invention de la tradition », a sans doute eu pour objet de mieux ancrer les traditions instrumentales des Pays d’Oc dans une aire culturelle plus largement européenne méridionale et méditerranéenne (on joue par exemple des doubles clarinettes au Pays basque – alboka –, au Maghreb et dans le Mashreq, et des triples clarinettes en Sardaigne – launeddas).
Cornemuse bodega Montagne Noire (Haut-Languedoc) (lutherie COMDT)
En Languedoc (Montagne Noire), on trouve la très volumineuse bodega (« outre »), faite d’une peau de chèvre entière, possédant un long pied et un grand bourdon posé sur l’épaule du musicien. Celle-ci est en partie la reproduction de la bodega d’un ménétrier de Garrevaques (Haute-Garonne), Jules Costes, surnommé Lo Cocut (« le Coucou »).
Cornemuse boha, Landes de Gascogne (lutherie COMDT)
La boha (du gascon bohar, « souffler »), dans les Landes de Gascogne, constitue un modèle unique en Europe occidentale, car composée d’un parallélépipède de bois doublement percé de façon cylindrique, hautbois mélodique et bourdon, ce dernier possédant un trou de jeu lui conférant la possibilité de bourdon rythmique et mélodique, ce qui rapproche fortement la boha des cornemuses d’Europe centrale et orientale où cette technique de jeu particulière sur le bourdon est attestée.
« Pied » (hautbois mélodique) et bourdon de la cornemuse cabreta, Auvergne et Rouergue (lutherie Claude Roméro, COMDT)
Cornemuse cabreta, Auvergne et Rouergue
Cet instrument présente la particularité d’être gonflé à bouche, contrairement à la quasi-totalité des cabretas actuelles dont la poche est gonflée avec un soufflet.
Cornemuse cabreta, Auvergne et Rouergue (lutherie Claude Roméro, COMDT)
Cornemuse cabreta, Auvergne et Rouergue (lutherie Claude Roméro, COMDT).
La réserve d’air de cette cornemuse est gonflée avec un soufflet.
« Pied » (hautbois mélodique) et bourdons de la cornemuse chabreta, Limousin (lutherie Claude Roméro, COMDT)
La chabreta (« petite chèvre ») en Limousin, en plus d’un hautbois mélodique (« pied ») conique, possède deux bourdons cylindriques, l’un parallèle au pied, l’autre transversal, venant s’appuyer sur l’avant-bras du musicien. Sa facture et son aspect évoquent plus les instruments du concert baroque que les autres cornemuses populaires françaises.
Flûte à trois trous flahuta, Gascogne (lutherie COMDT)
En Pays d’Oc, les flûtes à une main (en l’occurrence à trois trous de jeu : deux supérieurs et un inférieur) sont attestées dans deux régions. D’une part, la Provence, où le galoubet ou flûtet, de longueur et de tonalité variables, accompagné d’un long tambour cylindrique, jouit d’un statut régional très emblématique. D’autre part, la Gascogne de montagne (Béarn) et de plaine. Là, l’instrument se nomme flahuta (« la flûte »). Il est en tonalité de la en Béarn et de do en Gascogne de plaine, accompagné d’un tambourin à cordes, le ttun-ttun (cithare de six cordes frappées, accordées à la tonique et à la quinte de la flûte). La flûte à une main, en organologie, fait partie des flûtes dites « à conduit », c’est-à-dire que l’extrémité supérieure du tuyau est partiellement ouverte, de façon à ce que le souffle du musicien soit dirigé sur le rebord biseauté d’un orifice percé sur le tuyau. Elle se joue verticalement, tenue à une seule main, l’autre frappant soit un membranophone (par exemple le tambourin du galoubet provençal), soit un tambourin à cordes, comme ici.
Tambourin à cordes ttun-ttun, Béarn et Bigorre. Cithare à six cordes frappées
Flûte-sifflet chiulet a tortin (Landes de Gascogne)
Reconstitution d’après Félix Arnaudin. Cet instrument est à mi-chemin entre la flûte à conduit (instrument mélodique), et le sifflet, type de flûte également à conduit mais souvent globulaire et ne produisant qu’un ou deux sons.
Ocarina à piston
Flûte globulaire à embouchure latérale, percée de plusieurs trous de jeu. Le piston permettait une obturation partielle des trous de jeu et donc facilitait le jeu chromatique. L’ocarina a eu une aire large de diffusion mais était particulièrement utilisé en Rouergue.
Ocarina
Flûte-sifflet globulaire cocut (« coucou »)
Flûte globulaire imitant le chant du coucou.
Flûte de Pan fresteù, Provence (reconstitution COMDT)
Cette flûte de Pan, constituée de plusieurs tuyaux assemblés est dite « polycalame ».
Quatre Flûtes de Pan, Pyrénées centrales.
Quatre Flûtes de Pan, Pyrénées centrales.
Ici, les tuyaux ne sont pas assemblés mais percés dans une seule pièce de bois. Cette flûte de Pan est dite « monoxyle ». Elle était jouée par les chevriers qui s’annonçaient en la faisant sonner.
Accordéon diatonique François Dedenis (Brive, Corrèze)
La Corrèze possède une importante tradition de facture d’accordéons.
Accordéon diatonique ancien
Ce type d’accordéon était attesté dans les années 1840-1850.
Accordéon diatonique ancien
Accordéon diatonique ancien
Accordéon diatonique ancien
Trompe de conducteur de tramway (Toulouse)
Trompe de conducteur de tramway (Toulouse)
Il existait des trompes à usage rituel, en terre cuite notamment (pour la Saint-Jean) dont le Musée du Vieux-Toulouse ou le Musée d’Art et d’Histoire de Provence (Grasse, Alpes-Maritimes) possèdent encore quelques exemplaires. Ici, l’usage de cet instrument est purement signalétique, les sons produits participant d’un environnement sonore urbain caractéristique de la ville du début du XXe siècle. Cette dimension instrumentale renvoie à une conception du sonore qui n’est pas musicale, mais qui accompagne néanmoins de nombreux aspects de la vie quotidienne et de l’environnement social, voire de certains rituels. Cette trompe est à embouchure terminale.
Vielle à roue à fond plat
Cette vielle pourrait dater du XVIIIe siècle.
Vielle à roue
réalisée par le luthier Pimpard en 1894 (Jenzat, Allier).
Jenzat était le véritable centre français de la facture de la vielle à roue, et Pimpard un célèbre facteur de vielles.
Vielle à roue
réalisée par le luthier Pimpard en 1894 (Jenzat, Allier).
Jenzat était le véritable centre français de la facture de la vielle à roue, et Pimpard un célèbre facteur de vielles.
Vielle à roue
réalisée par Jacques Grandchamp (Toulouse, 1985).
En réalisant cette vielle, Jacques Grandchamp a voulu tester l’usage du polystyrène pour la caisse et remplacer les chevilles traditionnelles par un système analogue à celui des mécaniques de guitare. Comme un certain nombre d’instruments de musique traditionnelle, la facture de la vielle-à-roue en France possède une actualité importante et connaît une importante évolution.
Vielle à roue
réalisée par Jacques Grandchamp (Toulouse, 1985).
En réalisant cette vielle, Jacques Grandchamp a voulu tester l’usage du polystyrène pour la caisse et remplacer les chevilles traditionnelles par un système analogue à celui des mécaniques de guitare. Comme un certain nombre d’instruments de musique traditionnelle, la facture de la vielle-à-roue en France possède une actualité importante et connaît une importante évolution.
Vielle à roue
réalisée par le luthier Nigout (XIXe siècle).
Vielle à roue
réalisée par le luthier Nigout (XIXe siècle).
Vielle à roue
réalisée par le luthier Pajot (XIXe siècle).
Vielle à roue
réalisée par le luthier Pajot (XIXe siècle).
Violon-sabot violon-esclòp
(lutherie Daniel Delfour, Toulouse).
Cet instrument serait attesté en Médoc et en Razès (Languedoc). Mais rien n’indique que sa table d’harmonie ait été en peau, comme ici. Le seul violon-sabot conservé dans des collections publiques en France (Nantes) fait apparaître une table d’harmonie en bois. Il s’agit donc avant tout d’un parti-pris de reconstitution, à une époque (les années 1980) où un certain nombre d’acteurs du mouvement de renouveau des musiques occitanes avaient à cœur d’inscrire ces nouvelles traditions instrumentales reconstituées dans un environnement plus largement méditerranéen. Ici, ce violon-sabot reproduit le principe du rabel castillan ou du rebab maghrébin. De la même façon, alors que l’on ne sait rien du chevillier d’origine, ce chevillier est à l’identique de celui des vièles à archet européennes médiévales, ce qui introduit l’épaisseur historique et renforce l’aspect « traditionnel » de cet instrument.
Violon sabot
Violon sabot
(sculpture Bernard Ménétrier)
Violon-sabot violon-esclòp
(sculpture Bernard Ménétrier)
Mandoline de facture populaire
Mandoline de facture populaire réalisée pendant la guerre de 1914-1918, probablement au front (elle est datée au dos 1914-1915).
Violon de ménétrier
Guimbarde rebuta ou guitareta
La guimbarde est un « idiophone » (instrument dont le son est produit par sa propre matière et sa propre élasticité) par pincement, un « linguaphone » dont le son est produit par la flexion et la détente d’une matière flexible. La languette en métal, pincée avec les doigts, est placée devant la bouche du musicien, celle-ci faisant office de résonateur. À Toulouse, un certain nombre de guimbardes médiévales ont été trouvées dans la Garonne, au gué du Bazacle.
Petite Crécelle
La crécelle est un idiophone par raclement dans lequel une lamelle flexible est raclée sur une roue dentée. La crécelle était un instrument rituel intervenant dans ce que Claudie Marcel-Dubois a qualifié de « vacarmes cérémoniels » (Semaine Sainte, Ténèbres, charivaris, etc.).
Grande Crécelle
Claquettes trucanetas
Claquettes trucanetas
Idiophone par entrechoc où deux éléments de même nature (deux petites plaquettes de bois), tenus dans la même main, sont frappés l’un contre l’autre. La fonction de cet instrument était avant tout rythmique.
Claquoir (Lauragais)
Idiophone par percussion, dans lequel un cube de bois vient percuter une planche de bois de chaque côté. Comme la plupart des idiophones de bois, cet instrument était plus associé aux Ténèbres et à la Semaine Sainte qu’aux charivaris dont les instruments étaient surtout métalliques.
Claquoirs (Lauragais)
Clochette de troupeau à battant interne
Ces clochettes (parfois appelées de façon incorrecte « sonnailles ») étaient attachées au cou des ovins et bovins. De taille et de son différents, elles permettaient de personnaliser les animaux d’un troupeau et de différencier par exemple le bélier des brebis. Mais, compte tenu du rôle universel de protection contre les animaux sauvages et autres mauvais sorts (fonctions prophylactique et apotropaïque) des cloches, clochettes et autres objets métalliques, il est évident que ces clochettes de troupeaux n’avaient pas qu’une fonction signalétique. Les transhumances ont été enregistrées en France, dès les premières campagnes de collectes de Claudie Marcel-Dubois. Ces enregistrements ont parfois été diffusés dans des disques d’ethnomusicologie régionale, comme illustration de la notion de « paysage sonore ».
Tambour à roulement mécanique
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Baudrier et baguettes de tambour
Tambour à friction externe pignata
Ce petit tambour est fait d’une peau de chèvre ou de mouton perforée en son centre et tendue sur un pot en terre. La peau est mise en vibration par le frottement d’un bâton. On retrouve ce membranophone dans plusieurs régions des Pays d’Oc sous les noms notamment de brau ou bramatopin.
Cet instrument était souvent utilisé dans le charivari qui est un rituel collectif dans lequel un cortège utilise toutes sortes d’objets et instruments pour faire le maximum de bruit afin de signifier un désaccord face à un mariage jugé mal assorti, un remariage d’un veuf ou d’une veuve ou encore un adultère.
Caisse claire à fût de cuivre
Caisse claire à fût de cuivre.
Caisse claire à fût de cuivre
Caisse claire à fût de cuivre.
Caisse claire à fût de cuivre.
Caisse claire à fût de cuivre.
Grosse caisse ancienne
Cet instrument appartenait à un ménétrier accordéoniste qui s’en servait pour s’accompagner. Comme l’accordéon, cette grosse caisse était transportée à bicyclette lorsque ce musicien devait se déplacer pour aller jouer.
Petit tambour tambornet
Petit tambour tambornet, Languedoc.
Tambour cylindrique à long fût, tambourin, Provence.
Cet instrument accompagne en Provence le jeu du galoubet ou flûtet, flûte à une main tenue de la main gauche, tandis que la droite frappe la peau supérieure de ce tambour qui est accroché grâce à sa courroie au bras gauche du musicien. Ce couple instrumental, joué par le même musicien, caractérise en Provence le jeu du tambourinaire.
Tambour sur cadre
Tambour sur cadre à cymbalettes.
Grand tambourin à timbre
Grand tambourin à timbre (Lutherie Daniel Frouvelle)
Batterie populaire
Batterie populaire : grosse caisse, caisse-claire, cymbale, pédale et baguettes diverses.
Ce type d’instruments, très en vogue dans la première partie du XXe siècle, dont le nom populaire était « jazz », était utilisé par les ménétriers accordéonistes ou cabretaires pour s’accompagner rythmiquement.
Le COMDT remercie Luc Charles-Dominique pour son travail apporté à cette exposition.
Les photos et descriptions des instruments de la collection sont disponibles sur la base de données du centre de documentation du COMDT : http://cataloguedoc.comdt.org
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