Les Pays d’Oc, au carrefour de plusieurs grandes traditions musicales, possèdent une musique traditionnelle riche et de très nombreux instruments de musique, parmi lesquels tous les grands principes organologiques sont présents. On y trouve les instruments à vent (aérophones) : hautbois, cornemuses, clarinettes, flûtes à bec, flûtes traversières (fifres), flûtes de Pan, sifflets, accordéons ; les instruments à cordes (cordophones) : violons, violons-sabots, vielles à roue, tambourins à cordes ; les percussions (membranophones) : tambours, tambourins ; les autres instruments de toutes sortes (idiophones) : claquoirs, cloches, sonnailles, hochets, guimbardes, crécelles, etc. Suivant un processus constaté dans la plupart des régions d’Europe occidentale, un certain nombre de traditions musicales ont très fortement décliné et parfois disparu, pour certaines dès le XIXème siècle, pour les autres après la Seconde Guerre Mondiale, voire la première.

Le Conservatoire Occitan, aujourd’hui appelé Centre Occitan des Musiques et Danses Traditionnelles (COMDT), fondé en 1970 et relayé plus tard par d’autres associations et acteurs, a mené une recherche très approfondie sur ces traditions instrumentales, puisque la plupart ont été redécouvertes. Mais, en même temps que l’on tentait de recueillir le maximum d’informations sur ces traditions (qui étaient les musiciens ? comment jouaient-ils ? dans quelles circonstances ? comment apprenaient-ils ces répertoires ? quel était leur statut social ? qui fabriquait leurs instruments ?, etc.), il fallait étudier les instruments retrouvés.

Or, les instruments à vent (hautbois, clarinettes, cornemuses et flûtes) découverts au cours de ces recherches n’étaient plus en état de jeu. Abîmés par le temps, parfois fendus, tordus, sans anches, ils ne pouvaient livrer le secret de leur son… C’est pourquoi le Conservatoire Occitan a décidé de les reproduire fidèlement. Pour cela, il s’est doté, dès 1975, d’un atelier de facture instrumentale, fondé par Claude Romero et Bernard Desblancs aujourd’hui relayés par Pascal Petitprez, spécialisé dans la lutherie tournée des instruments de musique traditionnelle à vent : hautbois et cornemuses. Après plusieurs années d’étude, de reconstitution et de mise au point, les instruments ont été proposés en parfait état de marche au public en région et au-delà. Le bilan de cette recherche est aujourd’hui probant : la plupart des instruments étaient totalement inconnus au début des années 1970 (c’est le cas, par exemple, de la cornemuse des landes de Gascogne, la boha, de la cornemuse languedocienne, la bodega, ou de la plupart des hautbois traditionnels).

Plus qu’une simple reconstitution, ces divers instruments ont été au centre d’une action importante de réhabilitation, de restitution et d’enseignement et ont pu être réimplantés dans la vie musicale et culturelle locale. Pour s’en donner une idée plus précise, et en prenant l’exemple de la boha, (re)devenue un instrument emblématique de la Gascogne, c’est plus de trois cent exemplaires qui ont été fabriqués depuis la création de l’atelier de facture instrumentale du COMDT et sont maintenant joués, alors qu’il y a cinquante ans cet instrument était porté disparu !

Aujourd’hui, l’atelier de facture instrumentale du COMDT continue de collaborer à des actions de recherche organologique ou musicologique. Il a notamment participé ces dernières années à un travail sur la bodega ou craba (cornemuse de la Montagne Noire) avec plusieurs structures de Midi-Pyrénées et de Languedoc-Roussillon, sur le hautbois de Vailhourles avec la publication de plans (Amboesa, répertoire pour hautbois populaire de type Vailhourles et tambour, AMTPQ et La Granja) et a contribué à l’élaboration d’une méthode sur la boha pilotée par les Bohaires de Gasconha.

De 2011 à 2014, l’atelier de facture instrumentale du COMDT a participé à la réalisation d’une anthologie de l’aboès (hautbois du Couserans). Cet ouvrage est un aboutissement collectif de recherche et de médiation initié par l’Agence de Développement de l’Economie Culturelle du Couserans, en collaboration étroite avec luthiers, chercheurs et musiciens. Ce projet est né du besoin d’un travail coordonné de description organologique, historique, ethnomusicologique et artistique de cet instrument pour lui donner une nouvelle vie dans son environnement culturel. En plus des deux modèles déjà connus et fabriqués, ce sont trois nouveaux spécimens qui ont été reconstitués et qui sont aujourd’hui fabriqués par l’atelier.

En 2017, un hautbois de type graile des Monts de Lacaune et du Sidobre, retrouvé en 1984 par Luc-Charles Dominique, musicien et chercheur, mesuré ensuite par Bernard Desblancs, ancien facteur d’instruments du COMDT, a été reconstitué par Pascal Petitprez. Il fait aujourd’hui partie des instruments proposés à la vente.